vendredi 1 mars 2019

LE CIDRE

La fabrication du cidre

A la ferme, c'était la récolte des pommes, puis la fabrication du cidre. Mon père avait le secret du meilleur cidre du secteur. Ils mélangeait de nombreuses variétés de pommes douces et amères, soutirait le breuvage. Et, surtout, nettoyait méticuleusement ses barriques avec de l'eau chaude et de la lessive "La Croix", puis avec des tablettes de soufre qu'il suspendait à la bonde et qui se consumaient lentement à l'intérieur des grands fûts.

La fabrication du cidre était l'occasion d'une fête nocturne. Le pressoir et le broyeur, qui n'avaient pas servi depuis l'année précédente, avaient été préalablement nettoyés, rincés, et les parties mécaniques graissées. Le travail commençait généralement après le souper. Tout le village était là. Mon père et Yeun actionnaient le broyeur en tournant  vivement les  deux grandes roues à poignée situées de part et d'autre de l'appareil. 



Etienne, le voisin d'en haut vidait des sacs de pommes dans la gueule de la machine, et  le jus giclait;  tandis que Marcel, armé d'une longue pelle, versait  la pulpe des fruits écrasés sur le pressoir. Trois autres personnes confectionnaient une meule en empilant des couches de pommes séparées par de la belle paille d'avoine dorée. La motte terminée et bien enveloppée de paille, on la recouvrait d'un dispositif en bois sur lequel descendait la partie mobile du pressoir destinée à compresser le marc. Bientôt, le jus de pommes coulait dans un baquet à travers un filtre en forme d'entonnoir. Nous en buvions  une ou deux bolées. C'était délicieux mais il ne fallait pas en abuser sous peine de troubles intestinaux… Les anciens nous mettaient en garde.Le breuvage était alors versé dans les barriques. Ensuite, tout le monde s'installait dans la maison. Et c'était bombance! Charcuterie, crêpes, gâteau breton, coup de vin, rincette d'eau de vie dans le café, et re-rincette pour laver le bol, sans oublier le coup de pinard "pour la route"! Avant de se quitter, on jetait un coup d'oeil au pressoir. Yeun abaissait et remontait trois ou quatre fois une longue barre métallique; un cliquetis se faisait entendre et le jus de pommes coulait plus généreusement. Tout le monde s'accordait à dire que, cette année-là, le cidre serait bon et alcoolisé (l'un ne va pas sans l'autre, voyons!) car l'été avait été exceptionnellement sec. Comme d'habitude, mon père aurait le meilleur cidre du quartier.
 Les jours suivants, le pressoir était encore actionné afin de récolter le breuvage jusqu'à la dernière goutte.


1 commentaire:

  1. heureuse époque... pas de contrôle d'alcoolémie. aujourd'hui c'est abstinence à tous les repas, même les jours de fêtes, la peur du gendarme a remplacé tout cela.

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