mardi 19 mars 2019

L'épouvantail

L'épouvantail


     Il était curieux cet épouvantail. Oh ce n’était pas une œuvre d’art ! D'ailleurs, ce n'est pas la raison d’être d'un épouvantail. Cet affreux jojo est là juste pour épouvanter la gent ailée et autres intrus voleurs de graines, de fruits ou de légumes.
On le voyait de loin. Il était imposant. C'était notre épouvantail.
     C’ est vrai qu'il faisait peur au premier abord. Il était démesurément grand, déhanché, désarticulé, de guingois. Cet échalas avait une posture statique et un bras constamment levé. Il était devenu le pote de tous les automobilistes qui circulaient sur la voie communale face au potager.

     Les enfants avaient beau le narguer, les merles moqueurs se percher sur sa casquette, l'épouvantail restait impassible! Sous son air renfrogné, c'était un bienheureux.
      Perché sur ses longues jambes tordues, qu'on aurait dit  caoutchoutées, il s'appuyait sur sa fourche. Les anciens auraient dit, en ironisant sur une personne peu courageuse, qu’elle donnait le sein à son manche.(Rein bronn d'ar forc'h) 
     Sa tête de citrouille était coiffée d’une casquette bleue trop petite pour son crâne dégarni. Une petite moustache dissimulait son sourire malicieux. Son regard scrutateur inspectait le paysage toujours dans la même direction.
     Il portait un tablier bleu affichant sa devise ou plutôt son éternelle rengaine : que la terre est basse ! Il avait endossé une veste bleu-marine et chaussé mes vieilles galoches.
     Son squelette était en noisetier constitué d’un tronc qui faisait office de colonne vertébrale et de deux rameaux pour les jambes et deux autres en guise de bras ; le tout rembourré de foin.
     Ce qui faisait l’originalité du personnage, en dehors de son aspect général grincheux, c’est qu'il avait toujours le bras gauche en l’air, comme s’il saluait les passants.
     Les automobilistes lui klaxonnaient, lui levaient la main ! Ils pensaient tous que c’était moi le jardinier !
     Souvent, planqués dans la cabane aux poules avec mes petits-enfants, nous guettions les réactions des passants. Et moi, je me disais : « Mais comment peuvent-ils me confondre avec cet escogriffe ? »


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