Les foins autrefois
Les foins
Dans les
prés humides, il fallait couper l'herbe à la faux. Pas facile de manier cet outil, de le laisser glisser sous l'herbe en effleurant le sol et en évitant d'y planter son extrémité pointue. C'était tout un art de battre cette longue lame effilée au marteau sur l'enclume, de l'affuter à la pierre d'un geste auguste et régulier. Faucher était un travail très physique.
Dans les prairies plus sèches, la faucheuse
traînée d'abord par un couple de chevaux, ensuite par le tracteur, facilitait
la tâche et réclamait moins de main d’œuvre. La veille du fauchage, à tour de
rôle, nous tournions la manivelle de la meule pendant que le père présentait la lame
de façon à aiguiser les deux faces coupantes de chacune des dents.
L'attelage tournait autour de la parcelle dans un cliquetis de lame et de bielle. Souvent, un
nid de mulots venait encapuchonner une des dents de la barre de coupe,
obligeant mon père, assis aux commandes sur le siège métallique, à arrêter la machine. Il fallait enlever la boule d'herbes à l'aide d'une fourche
ou parfois à la main. Ça craignait quand même !
L'herbe
coupée était retournée à la fourche le lendemain et le surlendemain, deux ou trois fois en fonction du temps,
afin qu’elle fane bien. Les taons nous harcelaient, le soleil brûlait la peau, la poussière du foin rendait la respiration difficile et donnait une soif d'enfer. Il faisait très chaud dans ces petits champs. Tout autour, l'ombre des grands arbres nous faisait signe.
Armés de
râteaux en bois, nous andainions alors le foin, chacun de son côté de la rangée selon que vous étiez droitier ou gaucher.
Si tout
allait bien, le foin était chargé dans des charrettes aux grandes roues
cerclées de fer. S'il y avait signe de pluie, on en faisait de petites meules qu'il fallait démolir, agiter au bout de la fourche et refaner une fois le soleil revenu. Le foin était ramassé précieusement; pas question d'en laisser traîner une poignée sur le champ!
Moi, j’étais toujours sur la charrette, avec l'un de mes frères parfois, c’était le poste le
plus difficile surtout quand le champ était pentu. J’accueillais et j’entassais
les fourchées que les chargeurs hissaient et déposaient devant moi. Il fallait faire vite et avoir le sens de l'équilibre pour ne pas basculer dans le vide lorsque le tracteur redémarrait brusquement. Des fourches étaient plantées sur le côté de la charretée à des niveaux différents pour permettre au tasseur d'en descendre.
Plus tard, le
foin a été conditionné en bottes. Cette invention a facilité la tâche des
chargeurs mais compliqué celle du tasseur car la cadence s’était accélérée.
Certains jetaient leurs bottes derrière moi. Je repoussais ces ballots énergiquement au
sol car il ne faut jamais servir un tasseur dans le dos mais toujours par devant.
Le tasseur
devait bien empiler les bottes, dans un sens puis dans l'autre, bien combler le centre de la remorquée sous
peine de la voir s’éventrer. Le tasseur, c'était comme un gardien de but; en cas de problème, c'était lui le responsable.
Sous le
hangar, c’était l’opération inverse. Cette fois je n’étais plus sur la remorque
mais sur le tas. Même travail avec le risque de recevoir un projectile sur la
tête !
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